Cheminer avec Emmanuel : lecture de « Ton âme est un chemin - La vie spirituelle avec Dante »
- jochanson
- 15 déc. 2024
- 6 min de lecture
Emmanuel Godo, poète, romancier et essayiste reconnu, nous guide à travers Ton âme est un chemin : La vie spirituelle avec Dante dans l’ascension de l’enfer au paradis du poète Dante guidé par Virgile. Occasion pour le lecteur, du moins pour moi en l’occurrence, de suivre les pas du poète Godo, intercesseur à la manière de Virgile lui aussi, au milieu de ce texte érudit et étincelant qu’est la Divine Comédie. Emmanuel invite à son tour, comme Dante, à dépasser le stade lyrique et larmoyant du texte :
« Dante nous invite à dépasser le stade lyrique et larmoyant. Le sentiment, même le plus sincère et le plus authentique, ne suffit pas à nous orienter : il faut toujours regarder plus haut et plus loin que lui. »
En suivant les pas de Dante, Emmanuel révèle à chacun son statut d’âme égarée et participe au redressement spirituel du lecteur par une exégèse rigoureuse et documentée. L’enfer n’est pas à suivre mais à découvrir puis à oublier, comme si le chemin allait se taire dans le Léthé dans un geste de confiance et de nécessité, porté par un destin plus grand :
« Nous sommes des âmes et nous ne le savons plus, trop occupés par les contingences, assourdis par les sirènes du présent. L'Enfer, c'est le monde où nous choisissons de vivre quand nous oublions qui nous sommes : des âmes en chemin. Des pèlerins de l'absolu. »
Emmanuel n’a que faire de sa postérité. Pourtant écrivain prolixe, il s’intéresse plus au salut de sa vie intérieure qu’à la trace de sa vie ici-bas. Comme Dante, il place ses pas vers le « plus Haut ». Et remet à leur place les écrivains de pacotilles, autant attirés par la gloire que par les modes misérables de notre aujourd’hui. Cet Emmanuel me dit à moi l’importance d’une ascèse littéraire qui ne supporte aucune aspiration aux éloges :
« Dante rejette ici la fausse éternité du livre. Il est l'anti-Proust : la vraie vie, ce n'est pas la littérature. Ce n'est pas ce qu'on écrit qui compte, mais la justice que l'on crée en soi et hors de soi. »
Vivre son temps, sa courte existence, ce petit voyage dans l’humanité, avec rigueur et en soi-même, voilà à quoi nous invite Emmanuel. Prendre soin de sa vie intérieure, comme l’unique présent offert par Dieu. Je chemine avec Emmanuel, passant d’un enfer gelé à un purgatoire de prière, en notant ici et là les traces de ma vie. Suis-je exempt de soif de postérité ? Dante m’invite à être vivant :
« Guido ne voit pas que Dante est vivant comme il n'a pas su voir, dans sa propre vie, ce que voulait dire être vivant, c'est-à-dire prendre soin de sa vie intérieure. »
Emmanuel nous interroge sur la question du sens de la vie. Vivre, est-ce le savoir, la lucidité ? À lire le cheminement spirituel d’Emmanuel, il ne fait aucun doute que l’intellect soit une porte d’accès au paradis. Tout autant que la lutte pour nourrir une âme trop vite distraite par les tourments de Ia vie :
« (…) que veut dire vivre? Faire se succéder des instants ou ordonner un cheminement? Se regarder n'être rien ou décider de se façonner par le savoir, la lucidité et la lutte ? »
Et comme le cygne de Mallarmé est coincé dans une glace où tout mouvement se nie, l’enfer plonge les âmes dans une froideur qui annihile toute volonté d’échapper aux punitions préparées par Lucifer. C’est de cet enfer que partent certains de mes vers, de ces maladies qui nient toute volonté d’échapper aux mouvements, qui m’orientent vers une destinée autre :
« Lucifer, c'est ce vent qui glace la vie, fige les âmes dans leur mouvement naturel vers la lumière et la vérité. »
Commenter, faire l’exégèse, copier et reprendre, penser sur une pensée. Emmanuel guide le lecteur non pas seulement dans une lecture savante de la Comédie mais amène au cœur d’un acte poétique. Mêlant la voix d’une autre personne à la sienne, facilitant la lecture ardue de certains passages de Dante, il amène un souffle bienveillant et coloré dans les pas de Virgile, inscrivant ses mots de poète dans les pensées des poètes :
« Sois ferme comme une tour, dont le souffle des vents n'ébranle jamais la cime ; car l'homme chez lequel germe pensée sur pensée, s’éloigne de son but, parce que la fougue de l'une affaiblit l'autre. »
Emmanuel ne se couche devant aucune difficulté. Il n’accepte aucune facilité. À quels écrivains du désespoir pense-t-il lorsqu’il fustige ceux qui décrivent la catastrophe ? Lui, à faire l’historique de son parcours, n’a eu de cesse d’accompagner les âmes. Ce berger-là ne tombe dans aucune formule de marchand sans scrupules. Son œuvre, placée sous le patronage de Dieu, n’élude aucune difficulté :
« La plupart des écrivains d'aujourd'hui se contentent de décrire la catastrophe. On dirait qu'ils en vivent, comme des rentiers de la défaite. Dante, lui, prend l'encre de la nuit et l'utilise pour nous en libérer. »
Emmanuel est, à n’en pas douter, humble devant la tâche. Porte-t-il par ailleurs un certain orgueil en construisant cette œuvre ? Sans le vouloir probablement. Il agit comme un intercesseur, comme Dante, mais offre au lecteur une rigueur et une simplicité qui nourrit les âmes au delà de la Comédie. Il appelle, simplement, à la vie exigeante. Et cette exigence se construit à nouveau en moi, ranimée régulièrement, guidant mes mots et mes jours.
« Ne met-il pas en scène la contradiction inhérente à tout acte d'écriture : une nécessaire humilité face à l'ampleur de son projet, doublée d'une sorte d'orgueil tenace ? »
Emmanuel n’enfle pas sa parole. Il est droit, probe, sans fioritures, le contraire d’une œuvre baroque. Et c’est cette économie de moyens qui fait l’audace de ce cheminement et dessine pour tous la route qui donne à l’âme les musiques célestes :
« Parle, mais sois bref et clair » - la jactance, le trop parler est l’un des péchés à combattre, le gonflement de la parole qui finit par tordre la vérité et la rendre illisible. »
Ces musiques célestes, exigences scolastiques, se font poésie avec Emmanuel, passeur, avec Dante, d’un absolu de la parole :
« La poésie peut convertir en ce qu'elle est elle-même quête de vérité. »
Emmanuel me donne grâce à la gravité de son savoir et de son verbe, l’envie à nouveau de me plonger dans la vitalité d’une âme qui se manifeste dans une poésie vivante. Ses mots à lui sont droits et sensibles, des tremblés, des silences habités par la force de l’intériorité :
« L'acte poétique est don. Tout poème se donne comme un chemin de vérité offert au lecteur pour ne pas passer à côté du sens sacré de sa vie. »
Emmanuel va au plus profond de sa responsabilité. Accompagner au travers d’une œuvre monument mais aussi, en tant que poète, exister par cette œuvre, même au comble de l’humilité. Et ainsi devenir responsable d’une mission divine, apparement inaccessible mais qui pourtant n’exige que de mener sur le chemin, animer le trésor des humbles.
« Dante rappelle ce que vivre signifie : se sentir responsable de la paix du monde, de sa beauté, être un artisan d'espérance et de miséricorde, faire en sorte, à notre tour, que le chemin existe. »
Et cette mission, Emmanuel nous rappelle toujours qu’elle se tient droite au milieu des mots. Le chemin, c’est aussi celui d’une vie intérieure de création :
« La poésie est là pour demander, prier, et obtenir une grâce - le comblement de la soif. »
Tout concours dans notre vie à accueillir la lumière du paradis. Emmanuel nous donne trois exemples de ces manifestations : voir un visage fraternel, le geste de bonté ou la parole hospitalière. Le simple, le petit, la reconnaissance : naitre avec l’autre, avec ses mots, naître à sa propre vie au milieu du dépouillement :
« Cette lumière (du Paradis) est ce que nous cherchons et qui nous comble déjà de joie lorsque nous en rencontrons, dans nos existences, des reflets ou de simples grains. Dans le visage fraternel, le geste de bonté, la parole hospitalière. »
Emmanuel réussit sa mission, il guide le lecteur dans la Comédie de Dante, d’une manière érudite et simple, exigeante et humble. Il n’use pas des couleurs trop vives de notre temps. Il offre. Il permet à chacun de reconnaître un chemin teinté de sa vérité, d’un absolu accessible au cœur des quotidiens d’amour :
« Aussi la plume saute et je n'écris pas. Car l'imagination, pour de tels plis, comme notre parole, a des couleurs trop vives. »
Jonathan Chanson le 15 décembre 2024
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